Je regarde mon premier journal télévisé depuis un an dans un bar, et je ne suis pas déçu !

PATRIOTE SOURIANTLundi 28 juillet, 12 heures 55. Je suis sur une route du centre de la France. Je dois rejoindre dans l’après-midi des amis, et décide de m’arrêter pour boire un coup et manger un sandwich vite fait, sur une petite route départementale.

Je vois un bar qui me paraît sympathique, dans un centre-ville d’une petite ville d’à peine un millier d’habitants. Au bar, il y a deux femmes et un homme, bien habillés, qui paraissent de bons vivants. Ils sont devant chacun un verre de rouge et un sandwich. Le patron me demande ce que je veux, et je prends la même chose que mes voisins.

Je remarque alors une télévision, et découvre que c’est le journal de 13 heures de France 2. Je n’ai pas regardé un JT depuis au moins une année, c’est terminé, je m’informe à présent sur Fdesouche, sur d’autres sites internet, et regarde chaque soir TV-Libertés.

Résigné, je me dis que cette fois, j’y ai droit. Et je ne vais pas être déçu, non seulement par le journal, mais surtout par les réactions de mes voisins. Je décide, au début de rester silencieux, pour voir ce qui va se passer, et comment cela va réagir.

Première séquence, le coup de l’avion de la ligne Ouagadougou-Alger, et les trois jours de deuil national. Dès que Hollande apparait, j’entends de suite les quolibets chez mes voisins. “Tiens, voilà Ducon”, dit l’homme. “Quelle couyemol !” ajoute ma voisine, dès que notre président ouvre la bouche. Je me dis que cela commence bien. Mais quand ils annoncent les trois jours, cela se déchaîne. “Ils nous prennent vraiment pour des cons !”, dit l’autre femme, qui n’avait pas encore pris la parole. “Tu paries que c’est un attentat !” ajoute l’homme. “Et comme ce con de Hollande taille des pipes sans arrêt aux Algériens, il leur colle trois jours de deuil, pour fayoter avec eux”. J’écoute religieusement ces paroles, prononcées sans le moindre complexe, devant un patron qui parait les approuver.

A la fin du reportage, ils interrogent des Français qui paraissent approuver les décisions gouvernementales, et se flattent d’une communion nationale, autour de ce drame qui doit souder les gens. “Faut pas demander où ils ont été chercher ces connards, à Solférino” grogne la première femme.

Je me dis que sous leurs aspects un peu bourrin, ces personnes paraissent parfaitement informés de la réalité politique de notre pays.

Deuxième reportage, sur les inondations dans le Nord. Pas de commentaires. Troisième reportage sur les inondations passées en Gironde. Quelques banalités qui ne valent pas d’être relevées.

Quatrième reportage sur la SNCF. Il paraîtrait qu’on a l’explication sur une collision entre un TER et un TGV. Ce seraient les rongeurs qui auraient attaqué des câbles et provoqué un court-circuit. Guillaume Pépy, le PDG de la SNCF, apparaît à l’écran. Ma voisine allume la première : “Et les quais trop larges, Ducon, c’étaient les rongeurs”. L’homme paraît bien connaître le patron des cheminots, car il complète aussitôt : “Tiens, voilà le veuf de Descoings, pas étonnant que cela marche si bien à la SNCF”. L’autre femme, paraissant également bien connaître la question, ajoute : “C’était aussi Madame Delanoë, tu savais pas !”. Et l’homme ajoute : “Ah bon, pourvu qu’ils aient pas fait un petit”. Tout le monde rigole, le patron aussi, et j’avoue que je m’esclaffe de bon cœur, malgré le politiquement incorrect qui domine dans ce bar. J’aime cette gouaille, cette insolence populaire. Et ce n’est pas terminé.

On parle d’un incendie de forêt géant aux Etats-Unis. Tout le monde s’en fout, et en profite pour finir ce qu’il reste du sandwich.

Sixième sujet, le conflit israélo-palestinien, et comment se passe la fin du ramadan à Gaza. On apprend d’abord qu’Obama a téléphoné à Netanyahou, cette nuit, et qu’il l’a engueulé. Cela paraît énerver l’homme, qui gueule : “Mais de quoi il se mêle ce connard, c’est lui qui reçoit des roquettes sur la gueule ?”. Le reportage continue et on voit à Gaza des familles éplorées devant les photos des enfants morts sur une plage, bombardés par les méchants israéliens.

On reparle de l’Aïd-el-Fitr. Cela irrite ma voisine, qui dit à haute voix. “Ils nous font chier avec leur Aïd-el-Foutre, qu’ils aillent se faire fitr !” Nouvel éclat de rire de tous. Les commentaires sur la tonalité du reportage sont très politiques, manifestement, mes voisins n’aiment pas les Palestiniens, ni le Hamas, et n’ont qu’une envie, comme le dira l’homme, à la fin du reportage : “Qu’ils leur pètent la gueule une bonne fois pour toutes à ces fumiers !”.

Il est à présent 13 heures 25. Je paie ma consommation, et ne prends pas de café, contrairement au trio, qui continue de regarder le journal télévisé. Je pense qu’ils ont deviné, à plusieurs de mes réactions, que même si je les trouvais un peu “brut de coffre”, j’étais globalement sur la même ligne qu’eux. Je salue tout le monde, et chacun me répond plutôt amicalement.

Je reprends la route, et avoue m’interroger. Que doit faire un correspondant de Riposte Laïque, pendant ses vacances, confronté à une telle situation ? La taire, sous prétexte qu’elle n’est pas politiquement correcte, et que je ne partage pas certaines expressions, ou la décrire ? Je n’ai pas mis longtemps à faire mon choix…

Paul Le Poulpe