Mélenchon sait-il que sa porte-parole, Clémentine Autain, a signé un appel raciste ?

J’ai bien peur de désespérer encore davantage Joël Locin, sympathique lecteur de Riposte Laïque qui, admirateur jusqu’à la vénération de Jean-Luc Mélenchon, peste contre la médiocrité de son entourage, qu’il accuse de toutes les fautes politiques commises par le candidat. Clémentine Autain est donc la porte-parole du candidat de Front de gauche. Ce n’est pas sa faute si elle est fille d’un artiste bohème d’extrême gauche (1). Elle est présentée comme ayant baigné dans la politique depuis sa plus tendre enfance. Pourtant, depuis une quinzaine d’années qu’on la connaît, elle n’a jamais rien dit d’inoubliable… a moins de considérer que se dire féministe, défendre le mariage et l’adoption homosexuels, le droit de vote des étrangers, la régularisation de tous les clandestins, et les droits de toutes les minorités ne constituent une originalité.  Malgré tout, au café de la Flore, on pense qu’elle incarne la relève politique dont la gauche a tant besoin. Certains même, dans la mouvance altermondialiste, voyaient en elle la candidate qui devait fédérer la “gauche de la gauche” et le non de gôche aux présidentielles de 2007.

A défaut donc d’avoir été candidate en 2007, la voilà promue porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. Sans vouloir interférer sur les choix des camarades, je trouve, quand on veut parler au peuple, aussi stupide, de la part de Méluche, de prendre Autain comme porte-parole que pour Sarkozy de prendre sa sosie de droite, Kosciusko-Morizet dans la même fonction. Donc, ce lundi soir, sur « Mots croisés », notre Clémentine était en mission. Le timonier de Parti de gauche ayant donné l’ordre du grand nettoyage, elle devait pourfendre sans faiblir la bête immonde, incarnée ce soir là par Florian Philippot. Peu lui importait que le sujet évoqué soit le halal, et donc la  possible réintroduction d’une dîme religieuse que la révolution française avait abolie en 1789. Peu lui importait qu’on parle de la souffrance animale, elle qui un temps flirta avec les Verts. Peu lui importait qu’on parle du libre choix du consommateur, elle qui parle tous les trois mots de démocratie participative. Il lui fallait terrasser le “fascisme”. Sa première saillie fut terrible pour le représentant du FN, qu’elle accusa de râââcisme et xénophobie, de vouloir diviser le peuple de France, et de stigmatiser les musulmans et les arabes. “Vous nous trouverez toujours face à vous”, caqueta-t-elle, dressée sur ses ergots.

Elle pensait avoir maté la peste brune, soutenue par le ministre Bruno Lemaire, Julien Dray et Jean-Luc Benhamias, quand le rédacteur en chef de Valeurs Actuelles commença, pourtant avec prudence, à reprendre les thèses de Philippot. Immédiatement, Clémentine lui cloua le bec : « Et Saint-Nicolas du Chardonnet, hein ? », glapit-elle. Dray continua, empêchant l’impétrant de continuer à proférer des horreurs. Clémentine avait été à la hauteur de sa mission, et Méluche pouvait être fier de sa vaillante porte-parole.

Je ne sais pas si cela a un rapport avec le viol qu’elle a avoué, dans un livre, avoir subi, sous la menace d’une arme blanche, mais Clémentine Autain me fait irrésistiblement penser à  l’héroïne d’un texte de Philippe Muray, que Fabrice Lucchini, durant six minutes, interprête de manière sublime, “la touriste bobo” (2).

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Sans lui souhaiter la même fin (la bobo altermondialiste, pratiquante du tourisme équitable finira violée et décapitée, dans un pays africain, par un islamiste lui aussi altermondialiste), quand j’entends parler Clémentine Autain, je pense à ces petites bourgeoises qui ne sont que les enfants de leur lecture, et qui parlent d’une classe ouvrière qu’elles n’ont jamais rencontrée.

Mais au fait, Mélenchon est-il au courant que sa porte-parole, qui reproche au Front national, quand il parle du halal, de “diviser les Français”, et “d’attiser le racisme”, a signé, en 2005, l’appel, ouvertement raciste « Les Indigènes de la République », qui reproche à la France d’être toujours un état colonialiste opprimant les nouveaux colonisés des banlieues ? (3) Est-il au courant que, quand on signait un tel texte, on cautionnait une séparation du peuple de France, non pas entre exploités et exploiteurs, ce qui demeure un langage de gauche, mais entre enfants de colonisés et enfants de colonisateurs, les seconds devant rendre des comptes aux premiers ? Est-il au courant que la logique, racialiste, d’un tel texte ne pouvait qu’encourager à la violence les uns contre les autres, et à la haine de la France ?

Voilà comment parlait de cet appel François Darras, alias Jean-François Kahn, en décembre 2005, dans un article intitulé “Nouveau racisme”, quand Marianne était encore un journal républicain.

NOUVEAU RACISME

Ça nous pendait au nez. C’était quasiment programmé. L’émergence et l’affirmation, grâce au soutien médiatique que l’on sait, d’une gauche réac, anti-républicaine, cléricale, anti-laïque, communautariste et ethniciste ne pouvait qu’enfanter ce «monstre» qu’est la pétition intitulée «nous sommes les indigènes de la République», lancée sur le site islamiste «oumma.com», appuyée par des personnalités d’extrême gauche, ou même de gauche, la fraction antisioniste des Verts, des partisans de Dieudonné, Tarik Ramadan, des intellectuels pro islamistes (mais aussi d’authentiques antiracistes ou anti-colonialistes démocrates) et publiée, sans distanciation critique, dans les colonnes du Monde. (Précisons que plusieurs signataires de ce texte inouï, parfois dément, que nous avons contactés, ont pris leurs distances depuis qu’ils l’ont vraiment lu).

Texte angoissant, tant il rompt radicalement avec tout l’héritage progressiste, humaniste, universaliste de la tradition républicaine. Le ton est donné d’emblée puisque les signataires s’autoproclament «militants engagés dans les luttes contre l’oppression et les discriminations produites par la République post-coloniale». Et, en effet, ce qui, de bout en bout est stigmatisé, assimilé à l’esclavagisme, ce n’est ni la monarchie qui pratiqua la traite des noirs, ni l’empire qui rétablit la servitude, ni le capitalisme qui exacerbe les discriminations ethniques et sociales, qui ghettoïse les populations venues d’ailleurs, mais, obsessionnellement, l’ignoble République, celle là-même qui, à deux reprises, avec l’abbé Grégoire et Victor Schoelcher, imposa l’émancipation totale des esclaves ! Les expressions sont significatives : «la République de l’égalité est un mythe», «il est temps que la France interroge ses Lumières» – oh l’odieux Voltaire ! – qu’elle «refoule son nationalisme arc-bouté au chauvinisme de l’universel (sic)».

(…)

Clémentine Autain a certes retiré son nom, plusieurs mois après, sous le prétexte de la signature de Tariq Ramadan. Argument grotesque, il suffisait de lire les noms des premiers signataires pour constater qu’on y retrouvait l’alliance de tous ceux qui avaient combattu la loi contre les signes religieux à l’école, des proches de Tariq Ramadan à la mouvance communiste, derrière Roger Martelli, à certains Verts, pseudo anti-racistes et trotskistes de la LCR. C’est uniquement par opportunisme, sans jamais remettre en cause le fond de cet appel raciste, qu’elle retirera sa signature. Fabius et Aubry avaient agi de même, suite à une pétition impulsée par Le Nouvel Obs, invoquant le même prétexte. Clémentine Autain, et tous les signataires de l’Appel des Indigènes, ne pouvaient pas ignorer ce qu’il y avait derrière cet appel. Quelques mois plus tard, Houria Bouteldja, dans la revue de Christine Delphy, publiera un nouveau texte appelant ouvertement à la violence contre les blancs… sans aucune réaction des organisations anti-racistes. Sur un plateau de télévision, elle utilisera le mot “sous-chien” qu’à notre connaissance ni Clémentine Autain, ni Jean-Luc Mélenchon n’ont condamné. Et pour cause : Parti de gauche 31 soutenait, devant le tribunal de Toulouse, la présidente des Indigènes de la République !

Faut-il rappeler que Clémentine Autain, toujours prête à voler au secours des “minorités persécutées” soutint également les initiatives du Cran, autre organisation ouvertement racialiste ? Décidément, Mélenchon va quand même avoir du mal à qualifier systématiquement le Front national de « raciste » avec telle porte-parole aussi indulgente avec des propos et initiatives réellement racialistes.

Joël Locin survivra-t-il à cette nouvelle découverte ? Quant à moi, je l’avoue, chaque fois que j’entends Clémentine Autain prendre la parole, bien que luttant contre mes mauvais penchants, je n’arrive pas à ne pas penser à l’histoire de la touriste bobo altermondialiste racontée si merveilleusement par Fabrice Lucchini…

Paul Le Poulpe

 

 

 

 

 

http://www.communautarisme.net/Les-mots-sont-importants-A-propos-de-l-appel-des-indigenes-de-la-Republique_a358.html