Le football mondial est en effervescence. Profitant du fait que le Congrès de la Fifa (Fédération Internationale de Football) se tenait à Zurich, les policiers suisses ont saisi l’occasion pour coffrer quelques responsables de cet honorable organisme, pour deux affaires différentes. L’une est liée à des corruptions concernant les droits de retransmission de matches aux Etats-Unis, l’autre évoque des sommes importantes touchées par d’autres responsables de la Fifa pour l’obtention, entre autres, des Coupes du Monde de 2018 (Russie) et 2022 (Qatar).
Donner une coupe du monde à ce pays, le Qatar, qui n’a aucune pratique de ce sport, aucune équipe, et dont le climat ne se prête absolument pas à la pratique du football était tellement énorme qu’il a fallu, en décembre 2010, pour amortir l’onde de choc, annoncer deux Coupes du monde en même temps, ce qui ne s’était jamais fait.
Reste que si la corruption pour l’obtention du Mondial 2022 ne fait pas l’ombre d’un doute, si tout le monde fait semblant de ne pas voir que ce pays esclavagiste fait travailler des travailleurs immigrés pour construire les stades, quitte à sacrifier la vie de centaines d’entre eux, la question est bien plus large.
La Fifa compte 209 fédérations, où la voix de chacun est égalitaire. C’est-à-dire que la voix des Iles Féroé, qui ont une fédération et une équipe nationale, compte à égalité avec l’Allemagne ou la Russie. Au vu des enjeux financiers énormes qui concernent une Coupe du monde, ou bien des Jeux Olympiques, seuls les candides peuvent croire une seule seconde à la belle histoire du lobbying, sans que celle-ci ne s’accompagne de somptueuses valises de billets, qui finissent dans des paradis fiscaux. Là-dessus, les dirigeants des fédérations mondiales ont les mêmes pratiques que la caste politicienne de notre pays, arrosée elle aussi massivement par le Qatar et d’autres.
Ce jour devait avoir lieu l’élection du nouveau président de la Fifa. Le Suisse Blatter président inamovible depuis 1998 (son prédecesseur, Joao Havelange, avait duré 24 ans) veut à tout prix maintenir cette élection, et pense pouvoir être réélu. Ses adversaires, parmi lesquels Michel Platini, président de l’Uefa (instance européenne du football) veulent sa peau à tout prix. Ils voteront pour Prince Ali, un Jordanien dont on voit mal ce qu’il fabrique dans une instance internationale de football, au vu de la renommée de son pays dans ce sport.
Platini avait été un ardent partisan du vote pour le Qatar, en 2022, en accord avec Sarkozy. Le deal avait été le suivant : le Qatar investissait massivement au Paris Saint-Germain, et ouvrait une chaine de football (BeIn Sport) qui devait tailler des croupières à Canal Plus, exécré par l’ancien président de la République, par ailleurs fan de football et supporter du PSG. Moyennant quoi, la voix de la France irait au Qatar, ce qui fut fait. Rancunier, l’ancien international ne pardonne pas à Blatter, qui lui avait promis sa succession, de l’avoir roulé dans la farine, et de s’être maintenu.
Au-delà de ces joutes politiciennes, on s’interroge sur la suite. Bien évidemment qu’il y a eu de la corruption pour 2022, pour 2018 et pour toutes les Coupes du monde attribuées à un pays, France y compris, en 1998. Et tout le monde le sait, journalistes y compris. Donc, quel est le but de toutes ces manœuvres, de style « Opération Mains Propres », auxquels seuls les candides feront semblant de croire ? S’agit-il, en visant le Qatar en 2022, d’en profiter pour priver la Russie, qui a déjà entrepris d’énormes travaux sur ses stades, de l’organisation de 2018 ? Sachant que les Américains se sont toujours dit prêts à assurer l’organisation du Mondial 2022, et qu’ils paraissent à la pointe de l’offensive, si j’étais journaliste, je me poserais des questions.
Car si, au nom de la lutte contre la corruption, ils privent Poutine de la Coupe du Monde en 2018, et récupèrent celle de 2022, cela s’appellerait un coup double gagnant !
Paul Le Poulpe