Je préfère qu’Esteban soit vivant et en prison que mort et pleuré

A l’époque où, président de l’équipe de football et homme politique français, Bernard Tapie rêvait de la mairie de Marseille, il avait été interrogé, suite à un fait divers ayant défrayé la chronique locale.

Suite à une nouvelle grève des dockers marseillais, Bertrand Muselier, qui lorgnait, lui aussi sur la mairie, avait provoqué une manifestation, devant le local des syndicalistes CGT. Considéré comme une provocation insupportable, il avait été ciblé par une dizaine de gros bras, et reçu une dérouillée mémorable, coup de tête, coups de poings, et même un coup de matraque.

Le visage ensanglanté, il avait immédiatement été interviewé par toute la presse, qui en faisait un héros courageux ayant affronté la dictature cégétiste. Les journalistes avaient, ensuite, demandé l’avis de Bernard Tapie, sur cette agression, et notamment s’il ne craignait pas que cela ne rende son adversaire populaire. Avec le sens de la formule qu’on doit lui reconnaître, Nanard avait alors répondu : “Vous vous faites un film, à Marseille, on préfère ceux qui mettent les pains que ceux qui les prennent !”.

25 ans plus tard, à Paris, la sphère politico-médiatique est en émoi parce qu’un jeune antifa a pris un pain – qu’il a largement cherché – de la part d’un jeune garçon de 20 ans, qui a choisi de se battre de ne pas se laisser insulter, de protéger ses amis et sa compagne Katia. Et bien évidemment, on en fait un monstre, un salaud, un nazi. Mélenchon, qui mérite de plus en plus le surnom “Méchant Con” que son camarade Jean-Paul Huchon lui avait attribué, ose raconter que Estéban a donné un coup de poing pour tuer, délibérément, à un jeune qui pèse deux fois moins que lui. Pour préciser les choses, celui que tout le monde appelle l’agresseur pèse 66 kg. Il affirme, sans le moindre début de preuve, qu’il avait un poing américain. Pourtant, ceux qui connaissent un peu la question savent que dans ce cas, le cogneur met un gant, pour que cela ne se voit pas, justement.

Imaginons ce qui se dirait si c’est Estéban qui avait laissé la vie dans la bagarre, et Clément qui l’ait tué. On fera alors de “l’assassin” un héros, et de la victime un salaud. Finalement, il n’aurait eu que ce qu’il avait semé. On aurait droit au comité de soutien de Clément Méric, vaillant défenseur de nos libertés.

Tout le monde sait qu’en politique, les bagarres physiques ont toujours existé. Extrême droite contre communistes, communistes contre socialistes, gaullistes contre communistes, CGT contre FO, gauchistes contre communistes, anarchistes contre trotskistes… Et c’est ainsi partout dans le monde, avec des intensités différentes, en fonction de l’histoire de chaque pays.

En France, il est de bon ton, pour des petits gauchistes certains de leur impunité, de se faire des patriotes, sur les marchés, dans les manifestations, dans la rue, tout simplement. Souvent, ces agressions ne doivent rien au hasard, mais sont organisées. Et donc, en général, ce sont plutôt les amoureux de la France, les agressés, qui dérouillent.

Pour une fois, cela ne s’est pas passé ainsi. Bien évidemment, je l’ai écrit dans mes deux articles précédents, je suis consterné de la mort d’un jeune homme de 19 ans qui avaient de belles choses à vivre. Mais je préfère qu’Estéban soit vivant et en prison (le moins longtemps possible, bien sûr, car il n’a rien à y faire), que mort et pleuré, ce qui lui serait peut-être arrivé s’il n’avait pas su se battre.

Paul Le Poulpe